La "force" de Coriolis

Tout le monde ou presque connaît la "force" dite centrifuge : c'est elle qui nous fait valser dans les virages en voiture, c'est elle qui maintient dans le ciel nos satellites, c'est elle qui courbe la corde à sauter des enfants... Ce n'est en outre pas une force au sens "interaction" du terme (attirance ou répulsion entre 2 objets), mais un effet dû à un déplacement dans un espace.

Une autre "force" du même type existe : il s'agit de la "force" de Coriolis. Elle est bien moins connue :

La force de Coriolis, du fait qu'on ne la ressente pas dans la vie de tous les jours, est peu connue et peu comprise. Cela la rend terriblement malheureuse...

Peut-on pour autant la "palper" à notre échelle, de même qu'on arrive très bien à ressentir la force centrifuge ?

Oui !

Pour cela, prenez à la main un manche à balai par un bout et enfilez-y un anneau assez lourd (raisonnablement lourd : il s'agit de pouvoir soulever facilement l'anneau alors qu'il serait situé au bout du manche à l'horizontale) jusqu'à votre main. Après avoir fait évacuer la place (!), faites tourner le manche à l'horizontale autour de vous : sous l'effet de la force centrifuge, l'anneau est éjecté du manche. Vous me direz : c'est la force de Coriolis qu'on cherche à mettre en évidence, pas la force centrifuge !

Oui, mais : au cours de son périple depuis votre main jusqu'à l'extrémité du manche, l'anneau a acquis du moment cinétique (proportionnel à la masse et à sa distance à l'axe de rotation), c'est-à-dire de l'inertie. En effet, il est plus difficile de faire tourner un objet éloigné de son axe de rotation que proche de son axe :

C'est comme si l'inertie de l'anneau avait plus de bras de levier lorsqu'il est éloignée de l'axe que lorsqu'il est proche. Avec l'anneau mobile sur le manche, lors de la rotation celui-ci est éjecté : sa distance à l'axe de rotation augmentant, son inertie (c'est-à-dire la force avec laquelle il s'oppose à la mise en rotation du manche) augmente alors au fur et à mesure qu'il s'éloigne de votre main et rejoint l'extrémité du manche.

Si vous ne forcez pas de plus en plus, le manche va avoir de plus en plus de retard sur le mouvement de votre main (un peu comme un patineur ralentit lorsqu'il étend ses bras alors qu'il tourne sur lui-même). Pour compenser, vous devez fournir un effort de plus en plus important avec le poignet pour redonner de la vitesse au manche.

De la même manière que vous devez lutter contre la force centrifuge dans un virage en voiture pour ne pas être expulsé contre la portière, vous venez de "sentir" la force de Coriolis.

Celle-ci est perpendiculaire à l'axe de rotation (vertical) du manche et à la direction de translation (horizontale) de l'anneau sur le manche : elle est dirigée vers l'arrière du mouvement du manche lorsque l'anneau s'éloigne du centre, d'où une force de freinage du mouvement de rotation. Son intensité est égale au produit de (pour plus de détails : lien) :

Petit fichier tableur pour calculer l'intensité de la force de Coriolis : lien.

Dans le cas d'une motrice de TGV se déplaçant du nord au sud dans nos contrées hexagonales, la force latérale est égale à 2 ´ 67t ´ 1 tour/24h ´ 320 km/h ´ sin(45°) = 2 ´ 67000kg ´ 2π/(24h ´ 3600s) ´ 320000/3600 m/s ´ sin(45°) = 612N = 62 kgF. Cela reste très modeste au regard de la masse de l'engin et des forces aérodynamiques qui s'y appliquent.

Dans le cas d'un supertanker de type Pierre Guillaumat (555000t, 16 noeuds) faisant cap vers le nord (ou le sud) au large de nos côtes, la force est de l'ordre de 50 000 kgF (soit 1/10000 de la masse totale). Ca me semble a priori négligeable dans le calcul du cap par rapport aux dérives dues aux vents et courants.

Accueil